Rappel du cadre légal :
Avant 2013, les Directions d’entreprise n’avaient pas la possibilité de mettre en œuvre un projet tant que les représentants du personnel n’avaient pas rendu d’avis. La procédure de consultation n’était pas encadrée par des délais. Les instances représentatives du personnel (IRP) avaient en effet la possibilité de ne pas rendre d’avis si elles estimaient manquer d’informations.
La loi de Sécurisation de l’Emploi (dite LSE) et la loi Rebsamen ont largement modifié les règles en matière de consultation des IRP. Elles ont instauré, pour chaque consultation, des « délais préfix » (un mois en général / deux mois en cas de recours à un expert / 3 mois en cas de recours à un expert et de consultations du CSE central et d’au moins un CSE d’établissement). Ces délais doivent en théorie permettre à l’instance de disposer d’un temps suffisant pour comprendre les tenants et les aboutissants d’un projet, demander des informations complémentaires à la direction, préparer des questionnements et éventuellement émettre des propositions alternatives. Passé ce délai, l’instance est réputée avoir été valablement consultée. L’absence d’avis vaut avis négatif.
En pratique :
Certaines directions utilisent parfois les délais préfix pour limiter l’accès à l’information du CSE et réduire au maximum l’intérêt et la portée d’une consultation. Dans ce cas de figure, à la fin du processus de consultation, l’instance n’est souvent pas en capacité de rendre un avis éclairé sur le sujet objet de la consultation qui peut pourtant impacter notablement les conditions de travail futures des salariés.
Possibilité de recours des membres élus au CSE :
Afin d’éviter ces situations, les IRP se doivent d’agir vite afin que leurs prérogatives soient respectées : solliciter l’organisation d’une réunion extraordinaire, voter une résolution en CSE qui acte le manque d’informations, recourir aux services d’un expert ou d’un avocat, désigner un élu pour prévoir toutes actions en justice auprès du Tribunal judiciaire. La saisine de la justice doit intervenir avant l’expiration du délai de consultation. Le juge statue dans un délai de huit jours.
Dans ce contexte, l’arrêt de la Chambre Civile de la Cour de Cassation n°246 du 26 février 2020 apporte des précisions sur :
- L’obligation qu’a l’employeur de transmettre à l’instance concernée une information objective, précise, écrite et complète à la hauteur des enjeux soulevés par le projet.
- Dans cet arrêt, les juges précisent par ailleurs que le délai de consultation court à compter de la date à laquelle l’instance a reçu une information le mettant en mesure d’apprécier l’importance de l’opération envisagée.
- La prorogation possible des délais de consultation d’un Comité Central d’Entreprise dès lors que celui-ci n’a pas reçu les informations nécessaires et qu’il les avait demandés auprès de sa direction. Cette extension de délai doit notamment permettre à l’instance de récolter des informations complémentaires qui lui serviront, à la fin des nouveaux délais de consultation, à rendre un avis motivé.
- Pour précision, la saisine du Président du Tribunal de Grande Instance, au motif que l’employeur n’a pas transmis les informations nécessaires, n’a pas pour effet automatique de prolonger le délai de consultation nécessaire au Comité pour qu’il puisse rendre son avis. C’est à l’appréciation du juge de décider la prolongation du délai prévu s’il constate des difficultés certaines pour le Comité pour accéder aux informations.
- La nécessité de saisir le Président du Tribunal de Grande Instance avant la fin des délais dont dispose l’instance pour rendre son avis. Elle permet alors au juge d’ordonner la production des éléments d’information complémentaires et de prolonger ou de fixer le nouveau délai de consultation.
Conclusion IRPEX : A notre sens cet arrêt, qui peut également être appliqué pour un Comité Social et Economique, renforce et précise le droit des membres élus d’un CSE à disposer d’une information précise et complète lors d’une procédure d’information – consultation récurrente ou ponctuelle. Il rappelle à l’employeur que la consultation doit être menée de façon loyale et sincère. Ainsi, une Direction qui dans le cadre d’une information/ consultation, n’informerait que partiellement ses IRP, prend le risque de voir les délais de procédure rallongés et de devoir retarder la mise en place de son projet.
Sommaire de l’arrêt n°246 du 26 février 2020 (18-22.759) de la Chambre sociale de la Cour de Cassation
En application de l’article L. 2323-4 du code du travail alors applicable, interprété conformément aux articles 4, § 3, et 8, § 1 et § 2, de la directive 2002/14/CE, la saisine du président du tribunal de grande instance avant l’expiration des délais dont dispose le comité d’entreprise pour rendre son avis permet au juge, dès lors que celui-ci retient que les informations nécessaires à l’institution représentative du personnel et demandées par cette dernière pour formuler un avis motivé n’ont pas été transmises ou mises à disposition par l’employeur, d’ordonner la production des éléments d’information complémentaires et, en conséquence, de prolonger ou de fixer le délai de consultation tel que prévu par l’article R. 2323-1-1 du code du travail à compter de la communication de ces éléments complémentaires.