Une entreprise n’est pas une organisation isolée. Elle intervient dans un environnement général et complexe avec un nombre important d’acteurs ayant une incidence forte sur son avenir et les décisions de gestion des employeurs. Parmi ces différents protagonistes, nous retrouvons notamment les actionnaires, l’Etat, les banques, les concurrents, les clients et fournisseurs.

L’analyse des enjeux économiques et sociaux d’une entreprise doit donc être réalisée à un périmètre beaucoup plus large que celui de la simple organisation.

L’introduction en 2013 dans le cadre de la Loi de Sécurisation de l’Emploi (LSE) de la consultation annuelle obligatoire du Comité d’Entreprise sur les orientations stratégiques devait permettre aux représentants des salariés d’être davantage associés aux décisions stratégiques prises par les employeurs.

Néanmoins, les élus de CE/CSE rencontrent aujourd’hui plusieurs difficultés :

  • D’une part, le contenu des BDES (Base de Données Economiques et Sociales) est généralement famélique (et ce lorsque la BDES est mise en place, ce qui n’est aujourd’hui pas toujours le cas malgré l’obligation légale depuis 2014). De plus, les données ne sont quasiment jamais projetées à horizon trois ans comme le prévoit le Code du travail.
  • D’autre part, les employeurs ne communiquent qu’avec parcimonie les informations relatives au Groupe d’appartenance de l’entreprise (comptes consolidés, comptes statutaires de la société mère). Pour autant, la compréhension de la santé générale du Groupe est primordiale et les interactions financières et sociales entre entités sont nombreuses (dividendes, redevances Groupe, frais de marque, refacturation de frais généraux, mise à disposition de salariés, etc.).
  • Enfin, l’expert du CE/CSE (lorsqu’il est mandaté) se heurte souvent au refus de l’employeur, arguant du fait que la société-mère ou la filiale ne fait pas partie de son périmètre d’analyse.

Une jurisprudence récente (Cour de cassation – chambre sociale du 5 février 2020 n°18-24. 174 F-D) vient renforcer les prérogatives de l’expert en matière d’accès à l’information concernant notamment les comptes de la maison-mère. Elle rappelle également que l’expert du CE/CSE est le seul à même de juger de l’utilité des documents demandés dans le cadre de sa mission.

Ci-dessous un résumé de la décision de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 5 février 2020 :

« Dans le cadre de la consultation sur les orientations stratégiques de l'entreprise, le comité d’entreprise peut se faire assister de l'expert-comptable de son choix. A cet égard, il appartient au seul expert-comptable, qui a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes, d'apprécier les documents utiles à sa mission, lesquels peuvent concerner le ou les groupes auxquels appartient l’entreprise. Dès lors que la société-mère détient 60 % des parts d'une filiale, l’expert saisi d’une demande relative aux orientations stratégiques de cette dernière peut avoir accéder aux comptes et documents prévisionnels de la société-mère (Cass. soc. 5-2-2020 n° 18-24.174 F-D). »